Analyse d'une publicité

En mars 2005, je m'étais amusé à décortiquer le fonctionnement d'une pub placardée sur une "sucette" devant chez moi.

C'était une campagne de communication réalisée par un fabricant de cosmétiques. Apparemment, il n'avait rien de spécial à vendre.

Il y avait 5 affiches différentes qui fonctionnaient sur le même principes : une femme était sur la photo et le message nous demandait de choisir un des deux mots proposés pour la qualifier (plate/pétillante ; ronde/rayonnante ; grisonnante/séduisante ; taches de rousseur/touches de beauté ; ridée/radieuse)

Cette campagne semble passer un message de tolérance contre les critères de beautés formatés et exigeants. Elle fait croire à un discours de déculpabilisation et de libération des femmes contre de dictat de la beauté idéale.

Elle fait mine de faire de la pédagogie.
Alors qu'en fait, elle fait de la démagogie.

En effet, au premier abord, on est persuadé que D est une entreprise tolérante et "déculpabilisante". Peu importe, car ce n'est pas ce que D pense qui compte, c'est ce que les clientes potentielles finissent par croire : les publicitaires ont sciemment présenté les choses pour que les femmes soient profondément persuadées qu'il est péjoratif d'être ronde ou d'être ridée ;

  • D'abord ils mettent en opposition deux mots qui n'ont pas à l'être, comme pour donner un caractère péjoratif à un mot qui devrait rester affectivement neutre.
    En effet, comme "rayonnante" porte des notions positives, "ronde" se retrouve automatiquement avec des notions négatives. Comme s'il était impossible d'être à la fois "ronde" ET "rayonnante".
    C'est LE point essentiel de la manipulation : mettre en opposition deux mots qui n'ont rien à voir pour péjorer "ronde", "ridée", etc... sans en avoir l'air. L'objectif est de présenter ces qualificatifs physiques comme une maladie. Une maladie pas-honteuse certes, mais une maladie quand même.
    C'est ce message de FOND qui reste gravé dans l'esprit des gens.
  • Mais sur la FORME, ils donnent l'impression de dénoncer cet état de fait avec le titre de la page WEB ("pour toutes les beautes"), présence d'un mot positif ("rayonnante"), photo d'une femme heureuse).

C'est très habile, car D gagne sur les deux tableaux :

  1. La cliente est frustrée, car elle fini par être persuadée qu'il NE FAUT PAS qu'elle reste dans cet état. Ils ont créé le besoin.
  2. La cliente est rassurée, car elle a trouvé en D une entreprise compréhensive et tolérante. Comme par chance ils vendent des produits qui répondent à son nouveau besoin, elle va se tourner vers D.

Classique : ils nous persuadent d'être malheureux,
tout en nous proposant une pseudo-solution.