La décroissance est une chance.
J'affirme
que la décroissance, telle que je vais la définir, n'est pas un sacrifice. J'affirme
qu'elle est une chance qui ne peut qu'améliorer le bien être global. La
réflexion (toujours en cours) sur la décroissance est l'aboutissement de multiples
interrogations sur les valeurs actuelles qui motivent le fonctionnement de nos
sociétés riches (celles du culte de la Croissance). La décroissance propose
d'autres valeurs, qui motiveraient d'autres comportements individuels et collectifs,
et qui auraient des conséquences vertueuses sur nos modes de vie et notre
environnement.
Bien qu'elles paraissent procéder d'un simple bon sens,
elles ne s'imposent pas devant les valeurs actuelles. Il s'agit d'en identifier
les raisons et d'explorer les solutions à court, et à long terme, pour aboutir
à une harmonieuse décroissance individuelle et collective.
Les valeurs de la décroissance.
Notre
mouvement s'appelle la décroissance, parce qu'il ne se reconnaît pas dans
certaines valeurs qui se trouvent, à posteriori, être aussi suscitées par et pour
l'idéologie de la Croissance (avec un C majuscule, s'il vous plait).
Notre
monde physique ou spirituel n'est constitué que de limites. L'homme a besoin d'apprécier
ces limites des possibles pour se réaliser. La sobriété est une
source de satisfactions. Assurément plus que l'insatiabilité qui se termine toujours
par de la frustration et des convoitises.
La nature est assez généreuse pour
subvenir aux besoins fondamentaux et pour assurer un minimum de confort à l'humanité.
La concurrence économique n'est pas une question de survie. La coopération
est bien plus efficace, réjouissante et apaisante.
Enfin, et c'est encore une
histoire de bon sens, nous pensons que vivre lentement permet de vivre
plus intensément que toujours plus vite, plus loin, plus souvent. Notre rapport
au temps est proche de celui du soleil et des saisons.
Un mode de vie différent.
Si on applique
ces valeurs, associées à celles énoncées plus bas, le mode de vie du futur s'impose.
Le résultat n'est pas immédiat, mais une réflexion approfondie le montre.
Notre
mode de vie sera basé sur la localisation des relations et de l'économie.
Nous sortirons de la civilisation de l'automobile. Nous nous nourrirons de produits
locaux et de saison. Nous privilégierons la mutualisation des moyens
(transport, internet, bibliothèques, cinémas, culture(s), etc...), et les
habitats pavillonnaires déconnectés des centres de vie nous paraîtrons incongrus.
Nous
travaillerons moins, et la finalité de notre fonction au sein de la
société (l'emploi selon le modèle actuel) nous paraîtra plus évidente et fondamentale,
et par conséquent gratifiante. Enfin, nous nous serons libérés de tous ces
objets qui nous enchaînent, nous assistent et nous asservissent. Et nous nous
concentrerons sur des activités de proximité (opposées à "à distance"),
facilitant le partage, la compréhension, et la progression culturelle.
A court
terme, chacun de nous peut tenter de vivre la simplicité volontaire, mais
il est actuellement impossible d'aller au bout de la démarche sans risquer
de se désocialiser. Il faudrait que l'organisation collective à grande échelle
soit modifiée. Un objectif de Décroissance collective ne peut s'envisager
que démocratiquement, politiquement , progressivement, et seulement
à long terme. Mais il faut commencer de suite.
Les conséquences globales vertueuses.
Nous avons
tout à y gagner.
- Sur le plan individuel : voir ci-dessus
et dessous
- Sur le plan social, les inégalités sociales,
et toutes leurs conséquences (convoitise, violence, frustration, méfiance, etc…)
diminueraient.
- Sur le plan de la santé publique, nous pourrions
éviter, par exemples, l'augmentation nette des cancers, l'épidémie d'obésité
(due à un manque de sobriété), l'inflexion de la courbe de l'espérance de vie,
les pathologies psychologiques liées à l'effondrement des limites, réelles
et symboliques (voir J.-P. Lebrun)
- Sur le plan de l'environnement,
nous éviterions d'aggraver le changement climatique, de guerroyer pour s'octroyer
le reste des ressources fossiles, pour l'eau, les terres arables… Nous pourrions
éviter l'effondrement de la biodiversité et ses conséquences, ainsi que l'explosion
de la quantité des déchets.
Les obstacles dans l'imaginaire
collectif.
Je me vois déjà me faire traiter de joyeux (ou dangereux) utopiste !
Je
prétends que c'est moi qui ai les pieds sur terre !
Un autre monde parait
irréaliste parce que l'idéologie de la Croissance a investi l'imaginaire collectif
très profondément.
La croissance était constructive quand
il s'agissait de subvenir aux besoins fondamentaux et d'atteindre un minimum de
confort (ce qui est encore un objectif pour 80% de la population mondiale). Ces
bienfaits sont encore à l'esprit de certains alors que maintenant la croissance
ne consiste plus qu'à grossir et non à grandir (pour les 20% restant). De
plus, la croissance est plus commode que le partage : par paresse, par
incompétence et par insatiabilité un "simple" problème de répartition a été remplacé
par un funeste problème de productivité. En produisant toujours plus, ça évite
de partager. Il restera bien quelques miettes pour les pauvres ! Les faits
montrent que 80% de la population supporte le prix de croissance (je n'ai pas
dis "sont oublié par").
C'est pour ces raisons que certaines catégories
dominantes de la population ont intérêt, malgré la flagrance de ses effets
dévastateurs, à conditionner la population à l'illusion salutaire de la
Croissance. C'est ainsi que, dans un contexte de passivité collective, une multitude
de messages sont martelés par tous les moyens, dans tous les lieux, à chaque
instant. Ils ont pour objectif de magnifier tous les mécanismes favorisant
la croissance. C'est si important que tous les champs de la société sont investis,
qu'ils soient médiatiques, politiques, éducatifs, et même familiaux.
Voilà
pourquoi les notions suivantes sont collectivement associées à des valeurs positives
et immuables : l'accumulation de biens matériels, la concurrence,
la convoitise, la foi au scientisme et à l'économisme, le développement
technique infini, la lecture comptable de la vie humaine (PIB), "l'emploi
est créé par la croissance"...
Et si c'était la l'idéologie de
Se désaccoutumer de
Pour
changer le monde, il faut d'abord changer les mentalités. Commençons par
changer la notre (pour être plus convaincu, ... et ... convainquant).
A nous
de fuir la publicité, les représentations de modes de vie inaccessibles
et peu souhaitables, la surinformation orientée par les médias financés
par la publicité. Et comme personne n'est à l'abri, autant se débarrasser directement
des supports. Je pense particulièrement à la télévision et à certains magazines.
- Interrogeons-nous sur la finalité de nos actes : à quoi sert notre emploi ? quelle est la part de notre vie consacré à cette croissance qu'on nous impose ? que recherchons nous à travers l'accumulation d'objet ? pourquoi la modernité est-elle si valorisée ?
- Prenons conscience
de la différence entre le coût financier à court terme, et le coût global
(écologique et humain) à long terme... D'où vient la richesse ?
-
Puis interrogeons-nous sur le coût global de nos actes : est-ce que le
service rendu par tel objet ("c'est si pratique") n'a pas un coût global irréparable
? pourquoi le loin est toujours mieux que le proche ? quel sens y-a-t-il à faire
le tour du Monde en 80 heures ?
- Prenons conscience
de l'illusion du développement infini.
- Puis, interrogeons-nous sur
notre seule foi en la technoscience et sur son effet rebond . Est-ce que
si les voitures actuelles étaient aussi confortables qu'il y a 50 ans, aurions-nous
besoins d'aller aussi loin aussi souvent et aussi vite ? est-ce que si
les forfaits téléphoniques n'étaient pas illimités (voir ci-dessus) aurions-nous
besoin de passer autant de temps au téléphone ? est-ce que si le débit
internet n'était pas de plus en plus haut, aurions-nous besoin de passer
toujours plus de temps devant l'ordinateur ? est-ce que contre le réchauffement
climatique, ma climatisation est la bonne solution ?
Mais
surtout, surtout, autorisons nous à imaginer d'autres modes de vie qui paraissent
utopiques. Autorisons nous à libérer nos imaginaires.
Vivre
un changement est toujours difficile, même si l'aboutissement est bénéfique. C'est
pour cela qu'il est concevable que la décroissance fasse peur. Tout changement,
même vertueux est une épreuve !
Comment finir de convaincre ceux qui n'en voient
pas l'utilité ? En insistant sur la nécessité, bien sûr !
Donc,
même si je m'étais promis de ne pas aborder la décroissance par la face la plus
difficile (la face Nord), il faut bien admettre que la nature ne nous donnera
guère le choix. La catastrophe écologique est imminente (à l'échelle humaine).
Soit nous l'accompagnons, et ce sera notre Décroissance, soit nous la subissons,
et ce sera la Récession et tous ces effets tels que les famines, les guerres,
les déplacements, etc...
Réjouissons-nous.
Réjouissons-nous, car maintenant nous savons dans quelle direction aller.
Février 2007
voir aussi contributions et réflexions personnelles
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